Lorsqu’ils décident de créer la classe Olympic, J. B. Ismay, directeur de la compagnie maritime White Star Line et Lord Pirrie, président du chantier naval Harland & Wolff conçoivent les plus grands paquebots du monde.

Nous connaissons tous aujourd’hui le défi qu’a représenté la construction de ces navires légendaires. On connait moins l’impact que le RMS Olympic a eu sur les infrastructures portuaires des deux côtés de l’Atlantique.

Une course technologique sans précédent

Les compagnies maritimes en concurrence sur la ligne transatlantique s’engagent dans une course technologique ahurissante.

Par exemple, l’Oceanic de 17.274 tonneaux est lors de son voyage inaugural en 1899 le plus grand paquebot du monde. Il ne faut attendre que 8 ans pour que le Lusitania double pratiquement la mise avec 31.550 tonneaux. Quant à l’Olympic mis en service en 1911, il le surpasse de 50% avec 45.324 tonneaux !

Les dimensions des paquebots ont donc été multipliées par 3 en une douzaine d’années. Et même si les chantiers navals sont en pleine effervescence et que tout semble possible à force de sueur et d’acier, un aspect a du mal à suivre la cadence. Il s’agit des infrastructures portuaires.

La construction de l’Olympic du Titanic et du Britannic vont donc poser des problématiques des deux côtés de l’Atlantique.

A commencer par le chantier naval Harland & Wolff lui même. La construction des navires ne peut se faire dans leurs cales actuelles. Le chantier doit faire construire le portique Arrol Gantry. Ce géant d’acier de 260 mètres de long, 82m de large et 69m de haut a été spécialement créé pour accueillir la construction des coques de l’Olympic et du Titanic.

Harland & Wolff Arrol Gantry
Le plan du Arrol Gantry à l’intérieur duquel seront construit les navires de classe Olympic (1)

Harland & Wolff doit aussi s’équiper d’une cale sèche suffisamment grande pour accueillir les nouveaux géants des mers. Le Thomson Dock, la plus grande cale sèche du monde est construite. Elle sera inaugurée le 1er avril 1911 par l’Olympic. Ses 270,35 mètres de long, laissent peu de marge de manœuvre aux 269,10 mètres de coque du paquebot.

Les infrastructures de Southampton

Le centre névralgique historique de la White Star Line est à Liverpool. Les navires de la compagnies sont immatriculés ici et le siège social de l’entreprise est au 30 James Street.

Mais depuis 1907, la White Star a choisi de faire transiter ses passagers transatlantiques par Southampton plutôt que Liverpool. Cette décision a été nourrie par plusieurs facteurs importants.

Tout d’abord, les canaux qui mènent à Liverpool sont tortueux. Cela complique le transit des navires qui sont de plus en plus imposants. Impossible aussi d’entrer dans le port par marée basse, ce qui peut devenir très embarrassant pour une compagnie qui mise sur la ponctualité et la régularité. Enfin, les quais ne sont pas adaptés à des navires de si grande taille.

Hormis ces aspects purement techniques, il s’avère que les touristes américains ne s’intéressent plus seulement à Londres mais veulent aussi découvrir Paris ! Il est donc capital pour la compagnie de faciliter leur arrivée en France en faisant escale à Cherbourg.

Mais l’arrivée du RMS Olympic va avoir des conséquences sur les infrastructures de Southampton. L’adaptation va devoir être rapide pour l’accueillir dans de bonnes conditions.

L’Ocean Dock de la White Star Line

En octobre 1907, la White Star commissionne Topham, Jones and Railton pour la construction de leurs nouveaux quais. L’opération est titanesque. Le lieu n’est encore qu’un terrain vague situé quelques dizaines de mètres à l’est du Trafalgar Dry Dock.

Une fois la terre évacuée et les fonds dragués, le quai fera 1158 mètres. Largement de quoi amarrer l’Olympic, le Titanic et deux autres navires de plus petite taille en simultanée.

Deux hangars à deux niveaux de 213m par 36m sont construits pour le stockage des cargos et l’accueil des passagers. Au pied de ces hangars, une voie ferrée permet aux passagers de ne jamais avoir à sortir du complexe pour passer du train au navire.

Les salles d’attente sont pourvues d’espaces de toilette ainsi que d’espaces prévus pour les contrôles sanitaires. Enfin, les passerelles d’embarquement sur rails sont accessibles aux deux niveaux pour permettre l’embarquement sans être gêné par la marée.

A l’extérieur, l’immense quai sur lequel courent deux chemins de fer est couvert de bois. Quatre gigantesques grues permettent le chargement des tonnes de denrées, cargos et bagages transportés par le paquebot.

Les infrastructures du RMS Olympic
L’Olympic à l’Ocean Dock (2)

Draguer le canal

Un problème subsiste, les canaux ne sont pas assez profonds pour accueillir l’Olympic.

En 1907 la profondeur maximale est de 9,75m alors que l’Olympic a un tirant d’eau de 10,50m. La White Star demande donc que les canaux soient dragués pour permettre à ses navires de les pratiquer.

Mais le Harbor Board (Conseil du port), dirigé par les pouvoirs politiques de la ville ne souhaite pas payer pour cet aménagement. Les négociation vont durer des mois entiers sans qu’aucun accord ne soit trouvé. Pour mettre la pression au autorités, la White Star par l’intermédiaire de Harold Sanderson, laisse alors entendre qu’elle pourrait changer de port pour celui de Fishguard. Mais cela ne débloque pas la situation.

Ce n’est qu’en 1909 qu’un accord sera enfin trouvé grâce à la compagnie qui assurait la construction des nouveaux quais. L’entreprise accepte de prêter les fonds pour le draguage des canaux.

D’ailleurs, le Harbor Board ne survivra pas à ce gigantesque cafouillage. Tous ses membres seront remerciés et remplacés par des acteurs de l’industrie portuaire plus à même de prendre de bonnes décisions pour le port que des bureaucrates.

Lorsque l’Olympic arrive à Southampton le 3 juin 1911 pour son voyage inaugural, seul le quai n°44 est prêt à être mis en service.

Le Trafalgar Dry Dock

La cale sèche du port de Southampton est inaugurée le 21 octobre 1905, soit 100 ans après la fameuse bataille de Trafalgar. Longue de 266 mètres, elle permettait d’accueillir tous les navires en service. Mais c’était sans compter sur l’arrivée de l’Olympic.

Cette cale sèche doit impérativement être agrandie. Jusqu’à présent, la seule cale au monde capable d’accueillir l’Olympic est celle des chantiers de Belfast. Cette situation n’est pas économiquement viable pour la White Star. La compagnie doit pouvoir réparer et entretenir ses navires sans faire des détours de plusieurs semaines vers l’Irlande du Nord.

Les modifications sur le Trafalgar Dock commencent donc en octobre 1910. Il passe de 266 à 273,40m de long et de 27,43 à 30,48m de large. Lorsque le chantier se terminera, l’Olympic sera d’ailleurs son tout premier utilisateur le 16 juillet 1913.

A quelques pas de là, des ouvriers de Harland & Wolff sont stationnés sur place pour subvenir aux besoins de maintenance et de réparations.

C’est d’ailleurs au Trafalgar Dry Dock que le paquebot sera remis en état après sa collision avec le Nantucket en 1934.

L’impact de l’Olympic à New York

Aucun quai ni aucune cale n’est assez grande non plus de l’autre côté de l’Atlantique. Et le RMS Olympic va avoir un impact sur les infrastructures du port de New York.

Les Chelsea Piers, construits par la ville de New York à partir de 1902 sont le fruit de 30 ans de négociation. Ils sont entrés en activité en 1907 avec l’arrivée des lévriers de la Cunard, le Lusitania et le Mauretania. Les quais de l’International Mercantile Maritime Company, propriétaire de la White Star, ont été inaugurés le 21 février 1910. Pour ses navires, la White Star Line se voit réserver les quais 59 et 60.

chelsea pier rms olympic
Les Chelsea Piers s’agrandissent pour accueillir l’Olympic Remarquez l’affichage au nom de l’I.M.M. sur la droite de la photo (3)

Mais à peine terminés ils semblent déjà obsolètes car les navires de classe Olympic sont tout simplement plus longs que les quais. La White Star demande donc une élongation sur la North River au United States Department of War. Les travaux sont acceptés à condition de rester provisoires et démontables.

Les infrastructures de New York pour le RMS Olympic
L’Olympic arrive au Pier 59 lors de son voyage inaugural. On y voit clairement la partie démontable du quai (4)

C’est probablement au niveau de cette plateforme que les marins de l’Olympic ont vécu leur olympiade de Noël le 25 décembre 1922.

Le début de grandes aventures

Comme vous l’avez remarqué, construire les plus beaux paquebots du monde ne fait pas tout ! Il faut aussi prévoir un véritable écosystème qui va se mettre à leur service à chaque escale !

Que ce soit à New York, Southampton, Belfast ou encore Halifax, le RMS Olympic a eu un impact fort sur les infrastructures portuaires et les organisations locales. Chaque quai, chaque cale, sera le théâtre d’innombrables aventures parfois tragiques, parfois formidables. En tous cas, à chaque fois passionnantes ! Mais tout ça, nous le verrons dans de prochains articles.

Samuel Longin

Sources : RMS Olympic infrastructures ; Encyclopedia Titanica : New Chelsea Piers / Shipping wonders of the world : Southampton / Southampton VTS : http://www.southamptonvts.co.uk/Port_Information/Berths_and_Facilities/

Photos : (1) Plan du Arrol Gantry, The Shipbuilder 1911, https://en.wikipedia.org/wiki/File:Elevation_and_Plan_of_Gantry_over_Slips_Nos_2_and_3,Fig_6(The_Shipbuilder_special_numbers_Olympic).jpg / (2) L’Olympic à l’Ocean Dock, Shiping wonders of the world paru le 19 mai 1936, https://www.shippingwondersoftheworld.com/southampton.html / (3) Les Chelsea Piers NYC, Library of Congress, https://www.loc.gov/resource/det.4a24593/ (4) Arrivée au Chelsea Pier, Library of Congress, https://www.loc.gov/item/2014689357/