Derrière les trophées, les victoires de guerre et les célébrités qui ont arpentés les ponts du paquebot se cache une vérité plus sombre. Je veux parler des meurtres sur l’Olympic.

Qui soupçonnerait que derrière le luxe de ses cabines et salons ou la jovialité de son équipage, le navire ait été une véritable scène de crime à vapeur ? Corps cachés dans des coffres, victimes jetées par dessus bord en plein océan ou encore brûlées vives dans les immenses chaudières…

Aujourd’hui, nous allons plonger ensemble dans ces histoires qui vous feront peut être frémir. Mais rassurez-vous, je serais votre guide dans cette aventure et je ne vous laisserais pas tomber en cas de mauvaise rencontre.

L’affaire des coups de feu sur l’Olympic

Les meurtres sur le RMS Olympic

On retrouve trace de la première tentative de meurtre sur l’Olympic dans un article du Belfast Newsletter intitulé « The Olympic shooting case ».

Nous sommes le samedi 18 novembre 1911. L’Olympic est en réparation au chantier naval Harland & Wolff suite à sa collision avec le croiseur HMS Hawke.

Joseph Sharpe, ancien chaudronnier, vient de passer contremaître. En début d’après-midi il refuse à Edward Wilson, chaudronnier, le droit de faire des heures supplémentaires. Wilson est très agité et quitte son poste à l’heure prévue.

Wilson va ensuite récupérer sa paye de la semaine et croise James Stewart, un ouvrier qui travaille lui aussi sur le chantier. Il lui demande si Sharpe est encore là. Stewart répond par l’affirmative. C’est alors que Wilson d’un naturel calme et discret, sort un revolver et dit qu’il va « lui exploser la cervelle ». Stewart lui conseille de ne pas dire de bêtises mais Wilson se dirige d’un pas décidé vers le navire.

Wilson est hors de lui

Il est 16h00 passé et Sharpe fait des heures supplémentaires dans la salle des machines avec William Walmsley. C’est à ce moment que Wilson, le chaudronnier de 40 ans entre dans la salle et appelle Sharpe. L’échange verbal qui suit a été confirmé par deux témoins : Walmsley et Thomas McKitterick.

Wilson – Hey Sharpe, je veux que tu viennes dans la soute.

Sharpe – Dis ce que tu as à dire ici.

Wilson – Si tu viens pas dans la soute tu vas le regretter !

Wilson sort son revolver ! Sharpe fonce sur lui et essaie de le plaquer au sol en le poussant par la taille. Après une lutte de quelques secondes, les deux hommes tombent au sol, un coup de feu part sans toucher personne. Sharpe est au dessus de Wilson qui se débat, le revolver toujours dans sa main droite. James Stewart qui voulait prévenir Sharpe des intentions de Wilson arrive sur les lieux trop tard.

Finalement Wilson reprend le dessus et tire un coup qui touche Sharpe. Walmsley réussit à attraper le bras droit de Wilson mais celui ci arrive quand même à tirer un second coup sur Sharpe. Le bruit des détonations alerte d’autres ouvriers qui arrivent en trombe dans la salle des machines et immobilisent Wilson.

Sharpe s’en tire in-extremis

Sharpe perd beaucoup de sang et on fait appeler une ambulance qui arrive à 17h15. Elle emmène la victime au Royal Victoria Hospital où il sera remis sur pied après avoir été touché à deux reprises. Une balle dans la cuisse et une dans la cheville.

Le gendarme de port Shannon voit l’ambulance arriver près de l’Olympic et se rend sur place. La foule est déjà dense. Edward Wilson est escorté hors du navire par le manager Dickinson. En sortant, il dit « Je suis vraiment désolé pour ce que j’ai fait. Est-ce que l’homme blessé est mort ? » Puis il remet son arme à Dickinson en précisant « Les petits chefs ça me fait exploser le crâne ».

Shannon et l’inspecteur Collins arrêtent Wilson et l’amènent au poste où il sera inculpé pour tentative d’homicide. Wilson s’excuse alors « Je suis vraiment désolé pour ce qui s’est passé. Je n’étais plus moi-même. »

Deux jours plus tard, le 20 novembre, le RMS Olympic quitte Belfast pour reprendre son service transatlantique.

Brûlé à mort

Nous sommes en juin 1920. L’Olympic sort des chantiers Harland & Wolff après sa refonte d’après guerre qui l’a vu passer de la consommation de charbon à celle de fuel. Après 10 mois passés à Belfast, le paquebot va enfin retrouver le service transatlantique civil entre Southampton et New York.

John D. Hume, un expert préposé à la surveillance des chaudières originaire de South Shields est dans une cale. À quelques mètres de là, un autre membre d’équipage allume les chaudières avec une torche.

Ce que ne sait pas Hume, c’est qu’une valve de fuel sous pression s’est dévissée et que le carburant gicle dans toute la cale. En un instant tout s’embrase ! Par chance la refonte de l’Olympic comprenait aussi une amélioration drastique de son système anti incendies. Il faudra tout de même 15 minutes pour éteindre le feu à l’aide de sable, de vapeur et de pyrène.

William Noble porte secours à Hume qui est transféré à l’hôpital du navire avant d’être débarqué à l’hôpital de Southampton où il meurt de ses blessures.

L’enquête conclura à une mort accidentelle et ce, malgré un témoignage qui assurait que les valves étaient serrées la veille.

Par mesure de sécurité, la White Star fera poser des goupilles pour empêcher que les valves ne se desserrent accidentellement avant de les changer pour des modèles plus sûrs.

Mais n’oublions pas que les tensions étaient très fortes à Belfast entre partisans et détracteurs du « Home Rule« … Alors, accident ou meurtre sur l’Olympic ?

L’affaire Poderjay

poderjay rms olympic

Ivan Poderjay est un Yougoslave né en 1899. Après avoir tenté sa chance en tant que voyant à Belgrade, il s’enrôle dans la légion étrangère Française d’où il déserte rapidement. Quand on lui demande sa profession, il répond être un ancien Capitaine de l’armée Yougoslave à la retraite.

Le 13 octobre 1926, il se marie avec Mme Zhivka qui le décrit comme un homme charmant, même si 10.000$ ont disparu de son coffre le jour où Ivan a quitté la Yougoslavie. Leur divorce est prononcé le 16 novembre 1933.

D’un naturel charmeur, Poderjay s’est déjà remarié avec Margueritte Suzanne Ferrand le 23 mars 1933 à Londres. Avec elle, il vivra une relation sadomasochiste qui dévoile son côté violent. Margueritte ne voit aucun problème à ce que Ivan vole ou arnaque pour vivre et le pousse à être, je cite, « sans merci ».

Le « millionnaire Yougoslave »

En juillet 1933, Ivan Poderjay est dans un train anglais et rencontre Agnes Tufverson. L’avocate Américaine tombe sous le charme. D’après Ivan, elle lui aurait proposé de l’épouser. Il aurait décliné la proposition en lui précisant qu’il était déjà marié mais Agnes aurait insisté malgré tout !

Ces déclarations vont à l’encontre de témoignages qui décrivent Poderjay comme « accroché » à Agnes. Les deux personnages se rencontrent à Londres plusieurs fois. Ivan dépense plus de 500£, une somme très coquette pour l’époque, afin de faire passer du bon temps à Agnes.

Maintenant qu’il a gagné sa confiance, le Yougoslave propose à Agnes de lui donner 5.000$ qu’il investira pour elle. Il lui demande aussi de conserver pour lui 1.200.000 de dinars Yougoslaves mais elle refuse car Poderjay ne peut lui donner la provenance des fonds.

Lorsqu’elle rentre à New York, elle dit à ses amis avoir rencontré un millionnaire Yougoslave. Plus tard, l’avocate reçoit une lettre d’Ivan qui lui demande d’envoyer 5.000$ supplémentaires mais cette fois l’américaine refuse. Poderjay lui manque et elle lui somme de venir récupérer l’argent lui même. Le soi disant millionnaire saisit l’occasion. Arrivé à New York fin novembre, il épouse Agnes le 4 décembre 1933.

Pour leur lune de miel, Ivan dit avoir réservé des billets sur le Hamburg qui doit lever l’ancre le 20 décembre. L’enquête révèlera qu’aucune réservation n’avait été faite en leurs noms. Étrangement ce jour là, le couple se dispute au sujet des dépenses extravagantes de Ivan. Agnes retire 25.000$ de son compte en banque et Ivan achète une grande quantité de somnifères ainsi que 800 rasoirs. Personne ne reverra jamais Agnes Tufverson morte ou vive.

L’Olympic lève l’ancre

Ivan part seul sur l’Olympic le 22 décembre 1933. Le navire appareille à 22h00. Ce trajet ne compte que 273 passagers et son steward de cabine, Ernest Churcher, se souvient bien du personnage.

Churcher est intrigué par Ivan qui refuse catégoriquement de quitter sa cabine, même pour prendre ses repas. Il a avec lui un grand coffre de voyage qu’il garde comme si il contenait des choses très précieuses… ou illicites. Le steward insiste donc auprès du Yougoslave pour savoir ce que contient ce coffre qui n’est jamais laissée sans surveillance.

Ivan finit par accepter d’ouvrir le coffre aux alentours de midi le 23 décembre. Bien qu’il ne montre pas le contenu du coffre au steward, il en sort une cravate et un dessin pour le convaincre que rien d’illégal ne se trouve à l’intérieur.

Pendant le reste du voyage, il explique au steward qu’il a laissé une très jolie femme derrière lui aux Etats-Unis. Il lui raconte même qu’il est marié à deux femmes différentes mais que comme ces unions furent célébrées dans des pays différents, il ne s’inquiète pas de la justice. Il fait aussi étalage de sa richesse en montrant des liasses de billets de 10 et 20$.

L’enquête bat son plein

Le 2 janvier 1934, les sœurs d’Agnes reçoivent un télégramme qui se prétend envoyé par l’avocate. Les mois passent et la famille d’Agnes s’inquiète de rester sans nouvelles. Ivan est arrêté et interrogé à Vienne le 13 juin 1934.

Le 18 juin la police pense tenir Ivan ! Une valises contenant un torse de femme est retrouvée dans une gare à Brighton. Le 7 juin, une valise contenant les jambes de ce même corps avait été trouvée à la gare King’s Cross de Londres. Mais il s’avère après examen du légiste que le corps retrouvé n’est pas celui d’Agnes.

Le même jour, suite à une perquisition chez Ivan qui est retourné vivre avec Margueritte Ferrand, la police retrouve une grande quantité d’effets personnels de la disparue. Lors de son interrogatoire, Margueritte explique que Agnes était une bonne amie de Ivan et qu’elle lui avait donné ses affaires avant de partir faire un tour du monde.

Les enquêteurs comprennent que Ivan Poderjay est un habitué de la séduction et du vol. Il en a fait sa carrière depuis 1926. Ivan change alors subitement de version. Il explique que son mariage en Angleterre avec Margueritte Ferrand était non enregistré et illégal. Il dit aussi avoir épousé Agnes par pure charité pour ne pas qu’elle reste vieille fille. D’après lui, Agnes serait partie de leur appartement le 20 décembre 1933 à 9h du matin pour se rendre à Montréal. Elle l’aurait laissé sans nouvelles depuis.

Toujours le 18 juin, la police communique officiellement que Mme Agnes Tufverson est morte.

La cabine C86 passée au peigne fin

Nous sommes le 26 juin 1934 quand la police de New York décide d’envoyer 10 experts inspecter la cabine C86 de l’Olympic. C’est dans cette cabine que Ivan Poderjay est rentré en Europe 6 mois plus tôt.

Le hublot de la cabine intéresse de près les enquêteurs. Avec ses 50,8cm de diamètre, il est suffisamment large pour permettre de jeter un corps de femme par dessus bord.

Si Ivan avait voulu se débarrasser du corps de sa femme dans la nuit du 22 au 23 décembre 1933, il aurait pu le faire sans problème. Malheureusement en 6 mois la cabine a été nettoyée un nombre incalculable de fois, aucune trace de sang n’est trouvée. De plus, la police n’exclue pas que le corps ait pu être démembré et emballé avant l’embarquement, ce qui n’aurait laissé aucune trace dans la cabine.

La fouille de la cabine C86 n’apporte aucune preuve aux enquêteurs…

Extradition et condamnation

Ivan Poderjay est extradé vers les Etats-Unis le 30 janvier 1935. Il est inculpé et plaide coupable de double mariage et est condamné le 21 mars à une peine de 2 ans et demi à 5 ans de prison. Peine qu’il purgera pleinement (5 années) à la prison Auburn de New York.

Libéré le 1er février 1940, il est renvoyé en Yougoslavie 9 jours plus tard et s’installe avec Margueritte à Belgrade.

La lumière n’a jamais été faite sur le destin de Agnes Tufverson. Mais l’hypothèse la plus vraisemblable est qu’elle a été tuée entre le 20 et le 22 décembre 1933 puis jetée par le hublot de la cabine C86 du RMS Olympic dans la nuit du 22 au 23 décembre.

Gare aux chaudières !

jetter dans les chaudières du RMS Olympic

Même si aucune preuve matérielle n’a jamais fait surface (et pour cause…), des récits d’hommes d’équipage parlent de disparitions soudaines après des disputes. Il semble qu’il n’était pas rare à l’époque des chaudières à charbon qu’un soutier prenne un coup de pelle et disparaisse dans la fournaise sans laisser la moindre trace.

On part en croisière ?

Ne croyez pas que les meurtres et disparitions mystérieuses en mer sont de l’histoire ancienne ! Enfermés sur un paquebot pendant des jours voire des semaines, qui sait ce qui peut vous arriver ! Pensez à cet américain qui a tué sa femme dans leur cabine en 2017 parce qu’elle se moquait de lui. Des témoins l’ont vu déplacer le corps de sa femme vers le balcon de leur cabine avant de le rentrer. Il a été retrouvé couvert de sang près du cadavre de son épouse.

Le Queen Mary 2 a aussi été le théâtre du meurtre d’un homme d’équipage de 40 ans, frappé à la tête par un collègue. Je serais vous, je réfléchirais avant de réserver ma traversée…

Bien sûr, ce ne sont pas les seuls drames qui se sont joués sur le jumeau du Titanic. Mais ça, nous le verrons dans un prochain article !

Samuel Longin

Sources : RMS Olympic : Titanic’s sister – Mark Chirnside P.185, / https://www.encyclopedia-titanica.org/community/threads/1911-attempted-murder-aboard-olympic.36983/ / https://www.encyclopedia-titanica.org/community/threads/crew-member-murdered-or-killed-by-accident.36841/ / http://www.markchirnside.co.uk/pdfs/PODERJAYillustrated.pdf / https://www.tourmag.com/Faits-divers-de-la-croisiere-alcool-meurtre-et-noyade_a13395.html

Photos : Photo de couverture, https://www.loc.gov/resource/cph.3a27617 / Revolver – Photo de Tsvetoslav Hristov provenant de Pexels / Hublot – Photo de Igor Dudkovskiy provenant de Pexels / Photo de icon0.com provenant de Pexels