Le transport de troupes est une notion très éloignée de la mission initiale de l’Olympic. Comprendre les conditions dans lesquelles les soldats étaient transportés sur le HMT Olympic durant la Première Guerre mondiale n’est pas simple. Les standards de confort ont considérablement évolué et la majorité d’entre nous n’ont aucune expérience de la vie militaire.
Aussi, il me semble qu’il n’y a pas de meilleure façon de comprendre les conditions de vie sur le navire pendant cette période très particulière que par le témoignage.
Des hommes avant d’être des soldats
J’ai choisi de partager avec vous le témoignage de John Gray, soldat appartenant au Corps médical de l’armée canadienne.
Né le 9 octobre 1891, Gray a 25 ans quand il s’embarque sur l’Olympic à l’occasion de son 9e transport de troupes. Le paquebot quitte Halifax le 24 juillet 1916 pour arriver à Liverpool le 31.
Gray ne manque pas de prendre en notes ce qu’il voit et vie à travers ce voyage. Il va vous livrer des détails sur le quotidien de ces simples hommes qui sont partis pour parfois ne jamais revenir.
Ces milliers d’âmes qui s’embarquaient sur les ponts du plus beau transporteur de troupes au monde pour combattre loin de chez eux et de leurs familles.
Gray n’aura pas la chance de revoir sa terre natale. Il disparaitra le 29 mars 1917.
Le témoignage du soldat John Gray
Arrivée en train à Halifax
Nous avons reçu de drôles d’ordres en arrivant. Nos affaires allaient être examinées pour vérifier que personne n’ait d’explosifs ou d’allumettes. Les fenêtres du train devaient être fermées et nous ne devons parler à personne sur la plate-forme de la gare ni agiter la main. Nous avons obéi.
Je n’ai même pas déballé mes couvertures, et j’ai encore mon oreiller et mes sous-vêtements. Ça a pris plusieurs jours pour examiner les affaires de tous les hommes. Lorsque nous sommes arrivés à Halifax à 18 h (ce qui fait pile une semaine et 3 heures dans le train) nous sommes allés directement au navire.
Un départ sous escorte
Ma tête bourdonnait et j’étais content de pouvoir profiter de l’air frais à nouveau. Et voilà, nous sortions du port de Halifax. C’était très joli, mais un peu brumeux. Très vite nous avons été entourés d’autres bateaux.
Un bateau très rapide tournait autour de nous tout le temps. Nous n’allions pas très vite à cause du brouillard. C’était un spectacle intéressant de voir ces petits bateaux virevolter comme des mouches autour d’un pot de confiture. Ils étaient si petits par rapport au nôtre.
Une navire gigantesque
Maintenant peut-être que je ferais mieux de vous parler du bateau. Il s’agit du plus gros navire britannique. Presque le plus grand du monde. Les Allemands en ont un plus gros, mais il est à New York. Il me semble qui est resté là-bas par peur des ennemis depuis le début de la guerre.
Quand celui-ci était dans les Dardanelles, il y avait 13 000 hommes à bord. En ce moment, nous ne sommes que la moitié de ce nombre. Il est difficile de se faire une idée de sa taille.
Par exemple, il y a une plaque en laiton sur le pont supérieur (qui comme vous le savez tourne autour du centre du navire). Elle dit : Le tour de ce pont mesure 1150 pieds. Quatre tours et demi représentent 1 mile.
Il y a des soldats sur 7 ponts, le pont dont je parle est au-dessus, et je ne sais pas combien il y a de ponts en dessous. Le bâtiment Spencers ne fait que 6 étages pour vous donner un ordre d’idée.
Les cabines et dortoirs
Je suis ravi que la chance, la providence, ou quoi que ce soit m’ait suivi depuis que je suis entré dans l’armée. J’ai une jolie petite cabine avec 3 lits et les soldats avec moi sont bien. Nous avons beaucoup de place, une belle armoire en acajou pour suspendre nos vêtements et des tiroirs pour les petites choses.
Il y a un interrupteur d’éclairage électrique sur le côté du lit. Un matelas et des oreillers, des draps blancs et une couverture. Un ventilateur souffle de l’air frais. Tout est beau.
Après une promenade sur le pont, qui est gigantesque, j’ai pensé prendre un bain, mais toutes les salles de bain étaient fermées et pas d’eau chaude. Mais quand on veut, on peut. J’ai trouvé un steward et un quart (25c) a fait le reste.
J’ai profité d’un bain d’eau salée froide et même obtenu des vêtements propres avant de me coucher à 11 heures. Cinq minutes plus tard, j’ai ouvert les yeux, il était 6 heures du matin le lendemain.
Les repas
Bon, concernant le petit déjeuner. J’ai regardé ma carte. Elle indiquait le compartiment A2, table 74 du mess du pont D. Il m’a fallu un certain temps pour le trouver et oh quel endroit… Plongé dans le noir. Des bancs avec des tables couvertes de toile cirée, 22 hommes à une table…
Et bien, nous avons vite perdu l’appétit. McAlister et moi nous avons récupéré de grosses boîtes et sommes arrivés difficilement jusqu’aux cuisines pour obtenir notre bouillie, du café, des saucisses et du pain pour notre table.
Nous avons lavé la vaisselle pour le second couvert, même si nous savions que plusieurs de nos hommes n’avaient pas encore trouvé l’endroit. Ils ont perdu leur tour et ont dû faire sans, ou bien en achetant leur petit déjeuner à la cantine.
John Gray
Sources : Canadian Military History / Collection de la famille Gray / Veterans /
Photos : (1) HMT OLYMPIC © IWM. Original Source: http://www.iwm.org.uk/collections/item/object/205087793 / (2) Private James John Gray (HU 115353) © IWM. Original Source: http://www.iwm.org.uk/collections/item/object/205295740