Aujourd’hui, nous allons comprendre ensemble les changements apportées au RMS Olympic lors de sa première refonte en 1913 aux chantiers Harland & Wolff de Belfast.
Pourquoi le navire a-t-il subi une très lourde refonte deux ans seulement après son voyage inaugural ? Quels sont les modifications et leurs bénéfices ? Et comment la popularité du paquebot a-t-elle été impactée ? Voilà les questions auxquelles nous allons répondre dans cet article.
15 avril 1912 : naufrage du Titanic
Le monde est sous le choc. Le RMS Titanic de la White Star Line a sombré lors de son voyage inaugural dans la nuit du 14 au 15 avril 1912. Sur les 2200 personnes à bord, 1496 disparaissent dans les eaux glacées de l’atlantique nord.
Lors du naufrage, l’Olympic est en plein trajet vers Southampton à quelques 900 km de son jumeau. La distance est trop grande entre les deux jumeaux pour arriver à temps. L’Olympic se contentera d’un rôle de transmetteur de télégraphes entre les deux continents grâce à son installation Marconi qui est à l’époque la plus puissante du monde.
Une époque prend fin
La nouvelle du naufrage est un électrochoc des deux côtés de l’atlantique. La foi des hommes dans leur maîtrise des éléments naturels par la technologie est ébranlée. C’est aussi un violent coup porté à la popularité des navires transatlantiques. Que ce soit du côté des membres d’équipage comme de celui du public, tout le monde est endeuillé et révolté.
Le décalage entre les loi sur le nombre de canots obligatoires et les véritables besoins est un affront au bon sens. La défiance monte et les commissions d’enquête sur le drame sont accablantes.
Personne ne comprend vraiment comment on a pu en arriver à un tel degré de cynisme et d’absurdité. Surtout concernant des règles de sécurité absolument vitales en cas de problème. Mais peut-être que le monde n’avait tout simplement pas encore reçu d’avertissement assez fort pour se mettre en mouvement.
Après tout, la nature humaine nous prouve tous les jours que nous avons naturellement tendance à ne pas bouger le petit doigt. Sauf si, bien sûr, le danger est déjà en train de défoncer notre porte. C’est exactement le même procédé qui nous garde dans l’inaction massive face au dérèglement climatique.
Le sénateur Smith sur le pont
Le 25 mai 1912, le sénateur Smith, en charge de l’enquête américaine sur le naufrage du Titanic, se présente à bord du RMS Olympic alors amarré au port de New York.
Pendant sa visite, il inspecte le navire et interroge le Capitaine Haddock sur ses actions lors du drame et jusqu’au rapatriement des survivants à New York par le Carpathia.
Les passagers et l’équipage n’ont plus confiance
Le naufrage du Titanic a un effet dévastateur sur la popularité de l’Olympic. Les débuts prometteurs du paquebot semblent bien loin maintenant. Vingt-quatre canots supplémentaires sont installés sur le pont des embarcations, mais leur état ne rassure pas les 300 chauffeurs. Ils décident donc de se mettre en grève le 24 avril.
Malgré les efforts de la White Star pour remplacer les grévistes, le voyage est annulé.
Une année noire
Le reste de l’année 1912 ne sera pas brillant pour le transatlantique. Les ventes sont en berne et plusieurs incidents sont à signaler.
D’abord, le navire manque de s’échouer sur des rochers le 1er juin alors qu’il arrive vers Plymouth à grande vitesse. La faute à une erreur de navigation qui a lancé le paquebot bien plus au nord que sa route prévue.
Le second évènement a été gardé secret pendant 20 ans par la compagnie ! Nous sommes alors le 6 juillet et l’Olympic quitte le port de New York avec 1.425 passagers à bord. Alors que l’Olympic passe devant la statue de la Liberté, il signal aux autres navires qu’il est hors de contrôle.
L’un de ses donneur d’ordre à un problème mécanique ce qui empêche de barrer correctement. La marée est basse et le paquebot s’échoue sur un banc de sable au large de Ellis Island. Le Capitaine Haddock réussit à libérer le navire et à l’ancrer pour réparations.
De son côté, la White Star annonce le 11 août que l’Olympic sera retiré du service pour être profondément modifié dès le mois de Novembre. La ligne transatlantique sera assurée par l’Oceanic et le Majestic pendant son absence.
La malchance frappe encore !
C’était sans compter sur deux autres coups du sort…
Une heure après avoir quitté Queenstown pour New York le 8 aout, le navire perd une pâle d’hélice ce qui allonge son trajet d’une journée.
De retour à Belfast le 25 aout, l’Olympic repart de Southampton le 29 mais perd à nouveau une pâle d’hélice le 4 septembre, une journée avant son arrive à New York.
Enfin, le 20 septembre, lors de son dernier trajet vers New York de l’année (18 au 26 septembre), un passager de troisième classe meurt d’une crise cardiaque.
La White Star décide finalement d’envoyer l’Olympic à Belfast pour une refonte dès le 10 octobre pour mettre fin à cette série d’incidents.
La refonte du RMS Olympic
Aujourd’hui, on trouve ridicule de penser qu’un bateau puisse être insubmersible. Mais en replongeant dans l’expérience qu’avaient les ingénieurs, la presse et le public de l’époque, on peut comprendre que l’idée ait pu se répandre.
L’avarie qu’a rencontrée le Titanic en heurtant un iceberg était inédite ! Jamais encore on n’avait vu un accident maritime causer des brèches sur près de 90 mètres de coque. Et les navires de la classe Olympic représentaient bien ce qui se faisait de mieux en terme de sécurité en mer.
Mais le naufrage a vraiment mis la White Star Line dans une mauvaise posture financière et publicitaire. Pour regagner le cœur du public et renouer avec le succès commercial, la seule solution est de pousser la sécurité plus loin encore. Et c’est précisément ce qui va être fait lors de cette première refonte du RMS Olympic.
Ce n’est pas une simple refonte cosmétique qui va s’opérer au célèbre chantier naval de Belfast. Mais bien une profonde métamorphose structurelle du navire.
La sécurité avant tout
Les modifications les plus lourdes sont d’ordre structurel. Une double coque qui remonte jusqu’au pont G et qui couvre tout le corps central du paquebot est installée. L’ajout de cette double coque permet d’éviter que l’eau s’engouffre directement dans les compartiments en cas de collision.
L’espace entre les deux coques est divisé en compartiments verticaux et horizontaux. Cela limite encore plus efficacement toute propagation d’une voie d’eau.
Cinq cloisons étanches sont prolongées jusqu’au pont B. Alors que d’autres sont réduites pour s’arrêter au pont E plutôt que le D. Une nouvelle cloison est créée pour diviser la salle des générateurs électriques en deux.
L’objectif de cette nouvelle répartition de cloisons est de créer des groupes de 6 compartiments « solidaires ». Quel que soit le groupe touché, le navire peut maintenant rester à flot avec 6 compartiments submergés.
Grâce à ce nouveau cloisonnement, l’Olympic est capable de résister à des dégâts plus étendus encore que ceux qui ont coulé le Titanic.
Bien sûr, l’ajout de la double coque n’a pas que ses avantages. La place dans les chaufferies est réduite. La chaudière centrale de la chaufferie 5 doit être changée pour un modèle légèrement plus étroit.
Une nouvelle ligne de pompe est ajoutée pour augmenter le débit et faciliter le pompage dans n’importe quel compartiment.
Enfin des canots en nombre suffisant !
La demande en canots de sauvetage est telle après le naufrage du Titanic qu’il n’y en a plus assez pour l’Olympic. Un arrangement sera trouvé avec le Board of Trade pour que le transatlantique puisse reprendre son service civil avec des canots pliants en attendant que Harland & Wolff puisse livrer les canots définitifs.
Le pont promenade change radicalement d’aspect. Des bossoirs sont installés tout le long du pont pour accueillir les 68 canots du navire. Le nombre de places en chaloupes passe de 1178 à 3500 !
La vie à bord s’améliore aussi
La refonte massive de 1913 est aussi l’occasion d’implémenter quelques améliorations dans les équipements et lieux de vie de l’Olympic.
Le déplacement des quartiers des officiers permet la création de nouvelles suites de première classe sur le pont promenade.
Sur le pont A, la salle de lecture et d’écriture est réduite. L’espace gagné permet l’ajout de nouvelles cabines de première classe.
La promenade du pont A, à moitié couverte sur le Titanic reste, ouverte sur l’Olympic. La vue du pont promenade étant désormais complètement obstruée par les canots de sauvetage, on préfère garder le pont A dans sa configuration d’origine pour profiter de sa vue sur la mer.
Sur le pont B, la promenade est réduite pour laisser place à de nouvelles cabines. Le Café parisien, qui a été un grand succès sur le Titanic est ajouté à l’Olympic et dispose de 59 places. Le restaurant à la carte est agrandi pour disposer de 176 couverts.
D’autres modifications incluent le changement de couleur des murs de l’entrée de première classe, la couleur du sol du restaurant et l’ajout de salles de réception aux deux restaurants du pont B.
La refonte de l’Olympic touche à sa fin
Avec 6 mois de travaux intensifs, c’est un véritable travail de titan que les ouvriers du chantier naval ont fourni.
Le bilan de l’opération est impressionnant. D’une part par le coût de la refonte car la White Star Line a du mettre 250.000 £ sur la table (29 millions de Livres actuelles). Mais surtout par le travail abattu par les ouvriers de Belfast ! Ces travailleurs ont entre autres démonté les cheminées, sorti les chaudières, modifié la structure du paquebot. Puis ils ont tout remonté en créant de nouveaux raccordements de plomberies, d’air et d’électricité.
Le 22 mars, l’Olympic qui est passé d’une jauge de 45.324 à 46.358 tonnes est enfin prêt à reprendre la mer. Le paquebot quitte Belfast pour Southampton à 9h00.
Retour au service civil
Pour son grand retour sur la ligne transatlantique, l’Olympic profite d’une très large campagne de publicité. Des deux côtés de l’atlantique, les journaux l’appellent “Le nouveau Olympic”.
Les nouveaux dispositifs de sécurité sont bien sûr mis largement en avant. Après tout, l’Olympic est à nouveau le navire le plus sûr du monde. Il est aussi à nouveau le plus grand jusqu’en juin 1913 et la mise en service du SS Imperator.
On peut dire que ces campagnes massives d’information sont un franc succès. Pour son retour sur la ligne transatlantique, le 2 avril 1913, l’Olympic compte 1547 réservations.
Sa popularité continuera de croître sous le commandement du Capitaine Haddock, mais la folie et la vanité des Hommes vont à nouveau marquer son histoire.
Car dans à peine plus d’un an, le monde entier sera en guerre. Le RMS Olympic devra se frayer un chemin vers la survie entre les mines sous-marines et les attaques de U-boats. Mais tout ceci, vous pouvez le découvrir dans cet article !
Samuel Longin
Sources : History of the Olympic Classe Liners – Milos Grkovic, p.44 / The Unseen Olympic – Patrick Mylon, p.62 et 63 / RMS Olympic : Titanic’s Sister – Mark Chirnside, p. 126 à 131
Photos : (1) Rescapés du Titanic dans un canot de sauvetage – National Archives, Northeast Region, New York City, Records of District Courts of the United States Titanic Memorandum / (2) Publicité, National Museum Northern Ireland
Article très intéressant
Merci beaucoup ! J’espère pouvoir bientôt l’améliorer en ajoutant quelques illustrations qui donneront plus de sens aux explications « techniques » 🙂
Très intéressant
Donc la refonte s’est étalée du 10 octobre 2012 à mars 2013 ? Existe il une documentation qui reprends le détail technique (photos, plans) des travaux effectués ?
Merci