Le monde est en guerre. Depuis maintenant quatre ans. L’Europe et ses mers se sont transformées en tombes. Pas un jour ne passe sans qu’un nouveau drame ne vienne endeuiller des milliers de familles à travers le monde. C’est dans ce contexte d’angoisse et de danger omniprésent que le HMT Olympic et le U-103 s’apprêtent à marquer l’histoire ensemble.
Le HMT Olympic et le U-103
HMT Olympic
L’Olympic réquisitionné par l’amirauté est en charge du transport de troupes entre le continent américain et l’Europe sous le commandement du Capitaine Bertram Hayes. Depuis presque un an, le paquebot arbore son premier camouflage Dazzle supposé le rendre plus difficile à cibler par les sous-marins ennemis qui pullulent des deux côtés de l’Atlantique.
Le 24 avril dernier, le navire quittait Southampton pour son vingt-deuxième aller-retour en tant que trooper transatlantique. L’un des destroyers qui escortent les transporteurs de troupe hors des mers Britanniques repère un submersible ennemi le lendemain. Il fait feu sur le U-boat mais il est impossible de déterminer si la cible a été atteinte.
Ce n’est pas la première fois que l’Olympic se retrouve dans le feu direct de l’action depuis le début du conflit. En plus d’avoir participé au sauvetage des marins du HMS Audacious le 27 octobre 1914, il a aussi selon les témoignages, coulé un premier sous-marin en juin 1916.
Arrivé à New York sans encombre, l’Olympic repart vers l’Europe le 6 mai, les ponts chargés de soldats américains.
Le U-103 et sa funeste mission
Dans le camp adverse, le U-103 en est à sa cinquième mission de patrouille. Du long de ses 67,60 mètres et 750 Tonnes, il est capable de filer à 16,5 nœuds en immersion et à 8,8 nœuds en surface. Il n’arpente les mers que depuis le 15 juillet 1917, mais à déjà 8 navires coulés à son actif.
Ses cibles sont des cargos et des navires marchands. Son Capitaine, Claus Rücker, même s’il a la réputation d’un homme anxieux et colérique, ne compte pas moins de 80 navires coulés jusqu’à présent.
Quelques victimes du U-103
12 septembre 1917 | St Margaret — Navire anglais de 943 Tonnes | 5 victimes |
12 novembre 1917 | Député Pierre Goujon — Navire français de 4.121 Tonnes | Aucune victime |
16 novembre 1917 | Garron Head — Navire anglais de 1.933 Tonnes | 28 victimes |
26 janvier 1918 | Cork — Navire anglais de 1.231 Tonnes | 12 victimes |
29 janvier 2018 | Glenfruin — Navire anglais de 3.097 Tonnes | 32 victimes |
17 mars 1918 | Cressida — Navire anglais de 150 Tonnes | 3 victimes |
17 mars 1918 | Sea Gull — Navire anglais de 976 Tonnes | 20 victimes |
18 mars 1918 | Grainton — Navire anglais de 6.042 Tonnes | Endommagé seulement – Aucune victime |
20 mars 1918 | Kassanga — Navire anglais de 3.015 Tonnes | Aucune victime |
Hayes VS Rücker
Nous sommes le 12 mai 1918. Il est 3h30 du matin. L’Olympic entre dans les eaux de la Manche. Sur le pont on attend l’apparition imminente du destroyer d’escorte qui assurera la protection du navire jusqu’au port.
À 4h37, heure du U-103 (3h37 sur l’Olympic), l’officier de quart repère un navire à quatre cheminées à environ 2 kilomètres en arrière. Rücker ordonne alors que les tubes de torpille de poupe soient parés à faire feu. Mais l’équipage n’arrive pas à immerger les tubes. La cible est manquée et il faut se repositionner. C’est alors que le sous-marin dans sa manœuvre se rend visible à la surface !
Au même moment, à 3h50 sur l’Olympic, le guetteur Bennett repère la coque semi-immergée du sous-marin à environ 500 mètres sur tribord avant (environ 17°). Hayes n’hésite pas une seconde : il veut couler l’ennemi.
La bataille
Hayes vire sur tribord pour lancer le géant des mers sur le submersible allemand. À l’avant, un canonnier tire, mais manque sa cible.
Rücker ordonne une plongée d’urgence à 30 mètres tout en essayant de virer dans l’angle mort de l’Olympic pour s’en protéger. Hayes réagit instantanément,« Bâbord toute ! ». Il est 3h55 et la proue du transatlantique frappe le sous-marin.
Les chaînes de paravane sont arrachées, le pont tremble, le sous-marin glisse maintenant sous les 269 mètres de coque de l’Olympic. Alors qu’il atteint la poupe du navire, le U-103 est frappé de plein fouet par une pale d’hélice. L’hélice de 7,20m de diamètre dont les pales en bronze sont entraînées à plus de 75 tours par minute ouvre la coque du sous-marin au niveau de son kiosque.
L’eau entre dans la salle de commandement et Rücker fait sauter les ballastes pour remonter en urgence. Quand il arrive de nouveau à la surface, les canons de poupe de l’Olympic font feu à leur tour et cette fois, impossible de rater la cible.
C’est ainsi que le combat se termine et l’Olympic poursuit immédiatement sa route vers Cherbourg.
Ne surtout pas s’arrêter !
Le paquebot ne s’arrête pas pour récupérer les survivants. Sa sécurité serait compromise s’il se retrouvait à l’arrêt. Il deviendrait une cible extrêmement facile pour n’importe quel sous-marin ennemi qui patrouillerait dans les parages.
Mesure plus qu’utile puisqu’un autre sous-marin allemand, le UB72 sera coulé par le HMS D4, un sous-marin allié, dans la même zone le matin même.
Le sauvetage
Alors que la silhouette de l’Olympic disparaît au loin, Rücker est face à un dilemme. Ses pompes peuvent empêcher l’embarcation de sombrer et il est théoriquement capable de rentrer à bon port à vitesse réduite s’il reste en surface. Cependant, il court aussi le risque de se faire attaquer par n’importe quel ennemi. La situation est tendue. Au loin, il aperçoit déjà le destroyer américain USS Davis.
Rücker choisit la voie de la sécurité et fait tirer ses fusées de détresse. Alors que le Davis s’approche, le Capitaine allemand fait ouvrir tous les évents du sous-marin pour le faire sombrer définitivement.
Une quinzaine de minutes plus tard, 31 marins sont sauvés sur les 40 présents à bord du U-103. Trois d’entre eux ne survivront pas jusqu’au port. Les autres sont faits prisonniers à Milford Haven.
Les suites de la bataille entre l’Olympic et le U-103
La victoire de l’Olympic est une grande première. Jamais un navire marchand n’avait réussi l’exploit de couler un bâtiment de guerre ennemi. Du moins, officiellement.
Le Capitaine Hayes recevra la DSO (Distinguished Service Order) et sera sacré chevalier en 1919 pour son rôle dans le transport de troupes alliées.
Bennett, le guetteur qui avait aperçu le sous-marin fut décoré de la DCM, et l’équipage put se partager les 1.000 £ de récompense offertes par l’amirauté.
Quant à l’Olympic, il reçut une plaque commémorative offerte par des soldats américains présents sur le navire lors de l’incident. Elle sera fièrement exposée au niveau du grand escalier avant jusqu’à la vente du paquebot en 1935.
Voici ce qui y est inscrit : «Cette plaque offerte par le 59e régiment d’infanterie des États-Unis commémore le naufrage du sous-marin allemand U-103 par l’Olympic le 12 mai 1918 à la latitude 49°16’N longitude 4°51’W pendant son voyage entre New York et Southampton avec des troupes américaines.»
L’épave du U-103‘s repose toujours par 90 mètres de fond dans la Manche aux coordonnées 49°16′N 4°51′W. Le coup asséné par l’une des hélices de l’Olympic est encore clairement visible sur l’épave.
L’incroyable Olympic
Même si les quelques dégâts qu’il a subis n’ont absolument pas remis en cause sa sécurité, l’Olympic n’est pas sorti indemne de son combat contre le U-103.
Son inspection en cale sèche quelques jours plus tard confirme que ses chaînes de paravane ont été arrachées. Mais aussi que l’étrave du navire est tordue de 2m50 sur bâbord et des plaques d’acier sont bosselées le long de sa coque.
Les réparations définitives devront attendre la fin de la guerre et la grande refonte du navire de 1919-1920. Mais ça, nous le verrons dans un prochain article !
Samuel Longin
Sources : RMS Olympic : Titanic’s sister, Mark Chirnside (P.173 à 176) / Histoire de la guerre sous-marine : 1914 – 1918, R. H. Gibson et M. Prendergast / thevintagenews.com / uboat.net / encyclopedia-titanica.org
Photos : (1) L’Olympic et son premier Dazzle – Naval History and Heritage Command . (2) Le U-103 – XX. (3) Le Capitaines Hayes – National Portrait Galery. (4) Capitaine Rücker – uboat.net. (5) USS Davis – National Archives and Records Administration n°45513024 (6) Proue de l’Olympic – Hull Down, Bertram Fox Hayes, p.231.
Bravo et Merci Monsieur pour cet article vraiment tres interessant.
Merci ! C’est un plaisir de savoir que vous appréciez les articles. L’Olympic a vraiment une histoire passionnante et je fais tout mon possible pour transmettre ma passion à travers ce site 🙂
Merci pour ces articles très intéressants.
Je suis un passionné des liners.
Merci beaucoup
Merci à vous Sébastien 🙂 !
Excellent! A quand un livre en français sur l’Olympic? Écrit par vous-même peut-être… 👍
Merci Timothé, c’est en effet un rêve qu’il me reste encore à accomplir !
Bonjour, article très intéressant, merci.
Merci pour votre retour Loïc 🙂
Merci pour ces récits. J ai découvert ce site. L Olympic a vraiment une histoire fascinante
Merci beaucoup Olivier 🙂
Article très intéressant, qui doit faire partie de la mémoire collective, et rappelé que le courage permet de dépasser les difficultés et d’amoindrir les souffrances.